En voilà un titre évocateur! Vous l’aurez compris, aujourd’hui je vais vous parler du choix cornélien qui se pose aux mamans, en plus du reste, lorsqu’elles apprennent qu’une petite chouquette va arriver, à savoir choisir entre biberon ou allaitement maternel.
Tout d’abord, il est important de remettre les choses à leur place. Les nouvelles consignes apparemment c’est de prendre cette décision avec le papa. Alors oui, évidemment, on peut lui poser la question hein, mais, comme souvent, c’est maman qui décide à la fin, et surtout, c’est maman qui va assumer. Quoi que vous décidiez, la vraie question à poser à votre conjoint c’est plutôt: « Seras-tu là pour m’épauler? ». Déjà parce que bon, c’est quand même votre corps hein, et que par la suite, c’est tellement contraignant que si vous vous êtes sentie forcée, il y a 99% de chance que ça foire.
Je vais vous raconter comment ça s’est passé pour moi.
Lorsque j’ai su qu’Edgar allait arriver dans 9 mois, j’ai commencé à me renseigner. Autour de moi, personne n’avait allaité. Ma mère avait fait une tentative pour ma soeur ainée, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne l’avait pas emballée, vu que quand je lui ai demandé ce qu’elle en pensait, elle m’a répondu: « Mon dieu, Ève non, n’allaite pas, c’est horrible ». Mmmmmh, ça donne envie… Il faut dire que dans les années 70, les sages femmes et les gynécos n’étaient pas du tout formés pour l’allaitement (ils s’en tapaient un peu, quoi) et le lobby des laboratoires de lait infantiles allait bon train, donc réussir son allaitement à l’époque relevait du miracle. D’ailleurs, à mon premier cours de préparation à l’accouchement, la sage femme (qui avait une soixantaine d’années) avait commencé exactement comme ça:
« Aujourd’hui, je vais vous dire exactement l’inverse de ce que je disais à vos mamans il y a 20 ou 30 ans »
Elle nous a donc expliqué pourquoi à l’époque 80% des femmes ont raté leur allaitement, à quel point on les a culpabilisées et donc pourquoi nous, trentenaires, aurons du mal à recueillir des conseils objectifs auprès des générations précédentes.
Je suis donc allée sur les sites de conseils (vous voyez lesquels), et là c’était carrément l’inverse: la propagande pro-allaitement version excitée. J’ai trouvé de tout:
« J’ allaite depuis 3 ans et mon fils sait déjà lire » (mytho)
« Mes seins sont encore plus beaux après avoir allaité mes 3 enfants » (mytho ou chirurgie)
« C’est la nature d’allaiter, c’est honteux de donner du lait de vache à un bébé » (culpabilisation)
« C’est beaucoup plus simple d’allaiter » (mytho encore)
« L’allaitement ça fait maigrir » (j’en ris encore)
« Les bébé allaités ne font pas de RGO » (MÉGA mytho)
« J’allaite ma fille et elle a fait ses nuits à 3 semaines » (mytho ou gros coup de bol)
Bref, vous avez compris le principe. Je vous passe les conseils aux pauvres mamans désespérées qui viennent sur les forums poser des questions du genre:
« Mon fils a 6 mois et il ne fait toujours pas ses nuits, j’ai peur de ne pas avoir assez de lait, pensez-vous que je peux lui donner un biberon le soir pour le caler? ».
Malheureuse, qu’as-tu osé dire? La horde se déchaîne:
« Ton corps est programmé pour nourrir ton bébé, il n’a besoin de rien d’autre!! » (et toi c’est pas grave si tu dors plus depuis 6 mois)
« Si tu lui donne un biberon il ne voudra plus de ton sein!! » (et tu vas mourir dans d’atroces souffrances après que tes seins explosent)
etc, etc….
Forte de tous ces merveilleux conseils, voilà ce que je me suis dit: « Je vais essayer ».
Tout simplement.
Parce que le problème, voyez-vous, c’est que maintenant il y a tellement de pression autour de l’allaitement, qu’on a un peu l’impression de passer son bac pour la 2ème fois, et que si on rate, et bien c’est qu’on rate un peu sa vie.
Alors j’ai décidé d’essayer, c’est tout. Je me suis dit que si ça ne marchait pas, bein tant pis. Pas plus. Ça ne voudra pas dire que je ne suis pas apte à être maman, ni que mon fils sera moins intelligent que les autres. Et je crois que c’est ça qui a fait que ça a marché, le fait que je ne me suis pas trop mis la pression, que je n’ai pas trop écouté l’avis que les gens me donnaient (souvent sans que je le leur demande), que je n’en ai pas fait toute une montagne, que je n’ai SURTOUT PAS porté de vêtements « spécial allaitement » pour éviter une grosse dépression vestimentaire en plus du reste, et surtout, SURTOUT, que je n’ai jamais idéalisé l’allaitement au départ.
Ah oui, également, j’ai continué à vivre (sortir un peu, boire du café, l’apéro, la vie quoi…), enfin, « continué » non, disons plutôt « recommencé », après 9 mois de tolérance zéro vis-à-vis de tous les petits bonheurs que la vie peut nous offrir, sinon je n’aurais jamais tenu, c’est sûr (surtout sans apéro).
Parce que les amis, voyez-vous, l’allaitement, c’est chaud. Mais chaaaauuuuuuuud…
C’est contraignant, paralysant, angoissant, ça ne se délègue pas (donc la nuit c’est pour bibi aussi), vous vous sentez seule au monde au début, et les trois premiers mois ressemblent à une éternité. J’ai aussi tiré mon lait (mmmmh le tire lait, grand moment de glamour), mis dans des sachets spéciaux au congélateur, acheté les biberons spécial bébé allaité, pour qu’à la fin il me balance tout ça à la figure, vu que bon, l’intérêt de l’allaitement vu de l’oeil du bébé, c’est quand même le lolo hein, faut pas se mentir, c’est doux, chaud, et y a les câlins en même temps.
Les visites chez les pédiatres sont drôles aussi (enfin drôle c’est pas vraiment le bon mot), vu qu’il n’y en a pas deux qui vous donneront le même avis, selon que c’est un homme ou une femme et selon qu’ils se sont intéressés au sujet ou pas (et souvent, c’est plutôt pas).
Le but n’est pas de vous dégoûter d’allaiter, mais de ne pas vous mentir, j’essaie de faire gagner du temps (et de l’énergie) aux futures mamans en disant tout ça, parce que ça ne se passe jamais comme on le pense, et rarement comme on nous l’explique.
Alors oui, évidemment, vous rencontrerez toujours des femmes qui vous expliqueront que le papa s’est levé toutes les nuits, avec le sourire, pour leur amener bébé au lit, et qu’après les tétées il allait le recoucher, le tout dans la douceur et dans une parfaite harmonie de couple, que bébé n’a jamais eu aucun problème à boire au biberon le lait délicatement extrait, qu’il tétait à heures fixes (limite en disant « s’il te plait ») et qu’il faisait ses nuits à un mois, bref, que leur allaitement ressemblait à ce qui se serait passé pour moi si j’avais pris mon congé mat’ chez les Bisounours, ou au pays imaginaire, deuxième étoile à droite.
Chez moi, le papa ronflait trop fort pour entendre Edgar se réveiller, et quand bien même il se serait réveillé, il aurait fallu que je lui fasse un café pour qu’il arrive à se lever, Edgar ne comprenait pas du tout à quoi servait un bib à part se masser les gencives, ah oui par contre il tétait bien à heures fixes, c’est à dire toutes les heures, pendant plus d’un mois…
Mais, malgré des moments de crise et de doutes sérieux, avec à peu près chaque jour cette phrase qui revenait: « Allez c’est bon là, j’arrête », et bien j’ai tenu bon (il faut dire aussi que je suis têtue), on a surmonté les regards et jugements des autres, le RGO qui a été un enfer, les mauvais conseils des pédiatres, la fatigue, la lassitude et aujourd’hui, Edgar va avoir 9 mois et je suis fière de dire que je l’allaite toujours. Qu’il adore aussi les légumes, le poisson, les fruits, les yaourts, même le bib, mais que c’est contre mon sein, le soir, qu’il s’endort, et contre lui, au petit matin, que sa journée commence.
Je voudrais aussi dire aux futures mamans et papas que j’ai été nourrie au biberon et que tout va bien, merci, je n’ai pas l’impression d’être particulièrement en retard mentalement et je n’ai pas eu de problèmes psychologiques dûs à un manque d’affection.
Donc voilà, les amis, mon expérience de l’allaitement, je continue à apprendre chaque jour, j’ai toujours des doutes, il y a encore des imprévus, encore des « Cette fois c’est bon, j’arrête », mais il y a aussi tellement de bonheur…
Et pour vous, comment ça s’est passé? Ou comment envisagez-vous de nourrir votre bébé?
Bisous!
Ève
Crevette d'ODouce dit
:-) Bel allaitement pour Edgar, dis donc. Et surtout un joli billet écrit avec du réel, des faits, sans a priori juste des constatations personnelles et du vécu. Je ne regrette pas de m’être inscrite à ton blog ;-).
Ève dit
Merci, ça fait du bien des commentaires comme ça! Je suis contente si toi et d’autres, vous trouvez un peu de vous ici, et ça fait du bien de parler aussi ;)
Manue dit
Tu veux vraiment que je raconte? Remarque j’ai vraiment de elles anecdotes sur le sujet :)
Laetitia dit
Bonjour Ève, c est drôle j ai l impression de lire mon histoire, c est exactement comme ça que j ai vécu l allaitement et j ai lu toutes les mêmes bêtises sur internet. J ai allaité mon fils 13 mois et même si ça a été tressssss dur, j en garderai un souvenir génial ( mais sans oublié ke je n ai pas fait une nuit complète en 13 mois et kaujours hui j ai la même poitrine ka mes 13 ans :-/)!!
Ève dit
C’est marrant la vie et le cerveau humain, on a toujours tendance à ne garder que le bon, c’est comme l’accouchement :) Surement pour préserver l’espèce humaine! P.S.: tu as bien de la chance d’avoir la poitrine d’une fille de 13 ans ;)
suze83 dit
Un beau témoignage qui enlève ce sentiment de culpabilité que j’ai eu car mon Gustave étant un grand prématuré je n’ai pas pu l’allaiter. Il a été sous hydrolisat, l’a bien supporté, mais je m’en suis toujours voulu pour la prématurité et ce qui en a découlé…ça fait du bien de voir que ça n’a pas été tout rose pour les mamans qui ont pu choisir l’alimentation et le reste pour leur progéniture!
Noush dit
Super article, comme d’hab, bien écrit et très juste.. Tu as raison il faut faire comme on le sent et aussi comme on le peut, et couper court aux « conseils » plus ou moins bienveillants ! Moi, jusqu’à la naissance je ne savais pas trop de quoi j’aurais envie, mais il est arrivé en avance et tout petit, et j’ai voulu faire « au mieux » pour lui ( phrase pas du tout culpabilisante quand on y pense…)sur les conseils des sage femmes: j’ai réussi et tenu 2 mois, ça c’est bien passé une fois que j’ai compris comment positionner Bébé. Car quand il est bien placé, ça ne fait pas mal du tout, il y en a des mamans surdouées qui font tout bien d’un coup, mais pour les autres, n’hésitez pas à demander aux sage-femmes, et même plusieurs fois.. Si ça fait mal, c’est pas normal ! J’ai arreté car trop épuisée avec de lonnnngues tétées qui me faisaient piquer du nez. C t quand même une expérience étrange et je ne connais pas beaucoup de maman qui le disent : je perdais tout le temps mes « kippa » ( coussinets d’allaitement), je sentais le yahourt bulgare, les soutifs ressemblent à des choses venues d’Allemagne de l’est des années 70, tu fuites de façon intempestive… Mais ça reste un souvenir tout chaud et touchant.
Ève dit
Je compatis, moi le lendemain du retour à la maison, j’ai appelé une sage femme en pleurs pour qu’elle vienne d’urgence!
marie dit
Malgré le fait que tes proches te dise « c’est comme tu le sens » versus le corps médical qui dit « un bébé DOIT prendre le lolo » (je préfère ton expression aux leurs), on culpabilise! On culpabilise parce qu’on y arrive pas ou parcequ’on ne le fait pas. Bref, tu es une championne dans ta catégorie. J’ai choisi ma liberté c’est vrai! (Hooo la mauvaise mère!!) Mon gigot prenait son bib comme un grand avec son immense appétit dès sa naissance. J’aimais me sentir libre de notre emploi du temps. J’aimais aussi pouvoir partager ces moments avec mon mari-René. Je rassure tout le monde, mon fils m’appelle maman!! (Bon le souci c’est qu’il appelle aussi son père « maman »… y aurait il un lien?! ;) ) et il a gardé son bon appétit.
virginie dit
Bravo Eve, moi de mon côté ma mère m’a allaité mais c’est ma belle soeur qui m’a vraiment donner confiance, elle a allaiter son fils, puis elle est retombé enceinte quand il avait 6 mois, elle a continué et l’a sevré un mois avant la naissance de sa fille, qui a pris le relais…et la elle allaite encore n°3 qui a 20 mois…Bon vu comme ça,on peut se dire : »au mon dieu mais c’est de l’esclavage! », mais elle le vivait tellement bien que ça m’a interpellé. J’avais déjà envie d’allaiter ça m’a conforté… Bon ma belle soeur c’est accouchements claqués en 3 heures et trop rapide pour la péridurale mais elle en redemande…Donc je me suis dis ça va être pareil pour moi…Bon 16 heures de travail et une césarienne plus tard… je revois mes prétentions à la baisse…Et comme toi RGO, puis coliques, tétées toutes les heures et qui dure 30 min pendant les 6 premiers mois…mais j’ai tenu bon, malgré les pics de croissances 3,6,9 mois ou ils re-têtent comme des fous pour modifier le lait (ah pour ça personne te préviens non plus!!!) et du coup j’ai allaité ma fille jusqu’à ses 20 mois, en étant enceinte aussi, pause de 4 mois avant l’arrivée de petit frère ! J’allaite encore Ruben a 10 mois et je compte bien continuer tant qu’on est tout les 2 d’accord :-) et je t’assure que 3 ans d’allaitement ça fait maigrir…et les « mais il mange sinon? » « Oh, vous l’allaiter encoooooooore » m’amusent même si la plupart du tps et heureusement les regard sont intrigués mais bienveillants. Courage et n’écoute que toi ! Bizette.
Ève dit
Tu mérites une médaille Virginie! Moi comme il a eu des problèmes respiratoires à la sortie je ne l’ai pas vu pendant presque 3 heures (une éternité), donc on m’a dit « c’est compromis pour l’allaitement », mais tu connais mon tempérament légèrement têtu ;)